Du Haut de ses 13, 7 milliards d'années, l'univers contemple Hubert Reeves…
Ce 27 février
2006, à l’ESCPI, Hubert Reeves répond à l’invitation de Micheline Uzan,
qui l’accompagne lors de cette conférence. Elle lit ses textes et pose
des questions inhérentes à l’ouvrage d’Hubert Reeves « Patience dans
l’azur ». La conférence concerne l’histoire de la galaxie, et notamment
la contemplation de l’univers par l’homme. Tout au long du débat,
Hubert Reeves livre une conception beaucoup plus conceptuelle
qu’imaginaire. C’est cet angle qui nous fait aborder ses écrits de
manière scientifique, même si l’aspect poétique n’est pas en reste.
C’est d’ailleurs par cette précision que commence le propos de
l’intervenant. Lorsqu’il étudiait à l’université de Montréal, il était frappé par la distance opérée entre les scientifiques et les littéraires. Les scientifiques ont l’image des rationalistes, et se font donc attribuer un caractère ennuyeux car peu abordable. Les littéraires ont simplement l’image de doux rêveurs, que l’on parvient avec peine à ramener à la réalité. Hubert Reeves nous explique qu’il tient, et d’autant plus en cosmologie, à aborder un double regard, à mêler le rationnel et l’émerveillement. A trop s’en tenir à la rationalité, on risque l’ennui, la morosité. A l’inverse, un émerveillement perpétuel mène à la folie. Il en conclut donc qu’il faut avoir « l’œil analytique et l’œil poétique ». Pose des questions métaphysiques : « Si l’Homme est né du primate, qui naîtra de l’Homme ? » Ensuite il demande : « Pourquoi la nuit est-elle noire ? » En effet, même si les étoiles sont éloignées les unes des autres, la distance devrait être compensée par leur nombre ; et donc leur lumière parvenir à la Terre. Hubert Reeves nous explique que c’est Edgar Allan Poe qui livre la réponse dans sa nouvelle « Eurêka ». Il émet l’idée que la lumière voyage lentement à l’échelle astronomique. Les étoiles sont tellement loin que la lumière n’a pas eu le temps de nous arriver. (Rappel : la lumière met une seconde pour aller de la Lune vers la Terre). Cela sous-entend donc que les étoiles n’ont pas toujours existé. Par là même, on arrive à la théorie du Big Bang, qui aurait eu lieu il y a environ 14 milliards d’années. Ensuite, des images de galaxies sont projetées. Un peu plus en aval dans l’ouvrage, on évoque Hubble, qui, dans les années 1920, a commencé à observer la galaxie. Aujourd’hui, dans l’univers observable, on dénombre 100 milliards de galaxies ayant en moyenne chacune 100 milliards d’étoiles. Lorsque Hubble a commencé à cartographier le ciel, il a observé que les galaxies s’éloignaient d’autant plus vite de nous qu’elles étaient plus loin. Par là même, on déduit l’idée d’un mouvement organisé, l’expansion de l’univers. (Métaphore du pudding au raisin qui gonfle dans le four). Une autre question apparaît alors : « y a-t-il une frontière dans l’univers ? » On peut penser que l’univers est illimité mais il faut remplacer cette idée de frontière par l’idée d’horizon. L’horizon de l’univers correspond aujourd’hui à 15 milliards d’années lumière environ. En 1995, une découverte est allée à l’encontre des théories jusqu’alors établies. On pensait que le mouvement d’expansion allait peu à peu se ralentir. Or, on a constaté que ce mouvement n’était pas en ralentissement mais en accélération. En d’autres termes, les galaxies les plus lointaines s’éloignent de plus en plus vite de nous. Ce mouvement serait de l’énergie sombre. C’est la découverte de 1995. c’est une énergie, au sens où l’on entend en physique, mais sombre car on ne voit que ses effets. On ne connaît pas les propriétés. On tente actuellement de mieux connaître ses propriétés. Cette énergie sombre serait la composante dominante de l’univers. 70% de la densité de l’univers serait de l’énergie sombre, et la matière ne représenterait que 5 à 6% Le Big Bang est l’horizon de la connaissance. Ce n’est pas une fin en soi, il n’y a pas d’avant ni d’après. C’est simplement la limite jusqu’où on peut remonter le temps. L’Univers aurait ainsi 13,7 milliards d’années. Hubert Reeves définit la cosmologie : « nous remontons sur e territoire du temps. » Effectivement, il n’élude pas la dimension poétique… Pour l’avenir, on peut envisager deux théories : - soit les galaxies s’éloignent, et cela entraîne un refroidissement de l’univers. C’est ce que les observateurs américains appellent le « big chill ». - soit les galaxies cessent de s’éloigner et l’univers se réchauffe progressivement. Ce serait alors un big bang à l’envers. Les Américains nomment ce phénomène hypothétique le « big crunch ». Avec l’énergie sombre, on a plutôt tendance à privilégier la première hypothèse, mais il faudra attendre plusieurs milliers d’années d’observation pour se prononcer plus précisément ! Une question est posée sur le centre de l’univers. L’univers est homogène, il ne peut donc y avoir précisément de centre. De même, l’univers n’a pas de circonférence. S’il est homogène, il n’a pas de limites. Il faut alors différencier illimité et infini. Quelque chose d’illimité est sans frontières. Par exemple, la surface de la Terre est illimitée (on en fait le tour sans aucune frontière), mais cependant pas infinie. Sur la couleur des galaxies, différentes selon les sublimes images d’Hubble qui nous sont projetées, la perception par l’œil humain est encore une question de lumière. C’est une question de longueurs d’ondes que l’œil humain perçoit. Hubert Reeves tient à faire une dernière distinction au sujet des découvertes. L’énergie sombre n’a rien à voir avec les trous noirs, eux-mêmes découverts il y a quelques années. Un trou noir, c’est lorsque la gravité augmente la densité. Dès lors, la lumière ne peut plus s’en échapper. Un trou noir a une surface d’environ 10 kilomètres. Micheline Uzan termine avec un passage de « Patience dans l’azur », sur la question des probabilités. Une chance, aussi infime soit-elle demeure une chance. Et cette infime part de hasard peut être la source d’un formidable émerveillement. En dehors de toute vision ethnocentrique, l’être humain peut prendre conscience de sa finitude. Il suffit de s’étendre sur le sol, dans la nuit, loin des lumières. Ouvrir les yeux. « Vous aurez le vertige »… Myriam Desvergnes |